Pour une psychologie sociétale. Les représentations sociales mises au défi ?
Résumé
Cette note de synthèse interroge la manière dont les travaux que nous avons menés dans le cadre de l’approche des représentations sociales peuvent s’inscrire, a posteriori, dans une perspective de psychologie sociale sociétale afin de répondre aux défis posés à la fois par le projet de notre laboratoire de rattachement mais aussi aux défis auxquels fait face plus généralement notre discipline. En effet, plutôt que d’aborder le social comme quelque chose d’extérieur à l’individu et qui détermine ses comportements, la psychologie sociétale (Himmelweit & Gaskell, 1990) a pour objet le conflit et la constitution réciproque de l’individu et du collectif. Nos travaux, qui s’inscrivent le plus souvent dans des projets de recherches appliquées, ont contribué à développer des réflexions théoriques plus fondamentales qui peuvent, a posteriori, nourrir le développement d’un cadre conceptuel pour une approche sociétale.
Après une brève synthèse de notre parcours académique, nous présentons le cadre théorique général dans lequel s’inscrivent nos travaux : l’approche des représentations sociales (Moscovici, 1961). Ici, nous partons des limites rencontrées par une psychologie sociale plutôt sociocognitive dans le champ de l’environnement et de la nature et nous montrons comment l’approche des représentations sociales peut dépasser certains des dualismes à l’origine de ces limites (nature/culture, sciences/sens commun, stabilité/changement). Pour ce faire, nous éclairons la posture épistémologique, voire ontologique, de l’approche des représentations sociales à partir des autres écrits de Moscovici (sur les minorités actives, l’histoire humaine de la nature, ou encore l’écologie politique). Cette manière de présenter l’approche théorique nous permet de rappeler que, bien qu’elle soit féconde a priori pour servir une psychologie sociétale, un certain nombre de défis reste à relever pour articuler les niveaux individuel et collectif (Staerklé, 2011). Lopes & Gaskell (2015) proposent quatre focales d’analyse pour relever ce défi : une analyse du contexte social (niveau macro), une analyse des mécanismes contextuels (macro->micro), une analyse au niveau micro, et une analyse des mécanismes transformationnels (micro->macro). Ces quatre focales fournissent dès lors le point de départ pour développer un cadre conceptuel capable d’incarner une psychologie sociétale. C’est ce que nous nous proposons de développer dans les parties suivantes en adoptant une posture réflexive sur nos précédents travaux.
Plus spécifiquement, nous montrons premièrement comment nos contributions méthodologiques (approches qualitatives, comparaison, triangulation, focus groups) participent à proposer des manières d’opérationnaliser les principes d’une psychologie sociétale. Puis, nous revisitons les publications qui portaient sur notre travail de thèse et nous montrons comment notre plan méthodologique permettaient d’articuler les niveaux macro et micro à travers une analyse des interactions sociales dans lesquelles les significations sociales sont mobilisées, négociées et (re-) construites de manière différente en fonction du contexte socioculturel. Si ces travaux mettaient l’accent sur les mécanismes contextuels (comment se construisent des représentations sociales
différentes en fonction du contexte socioculturel), ils nous ont permis de développer par la suite des travaux articulant les mécanismes contextuels et transformationnels. Ainsi, la prise en compte des interactions sociales spécifiques qui surviennent dans différents groupes permet d’articuler les niveaux micro et macro de manière dialogique, de façon à saisir à la fois comment le contexte social détermine nos manières de nous représenter le monde et comment par la re-construction de représentations lors d’interactions sociales nous transformons en retour le contexte socioculturel et la réalité. Enfin, dans une sixième partie, nous proposons une deuxième façon d’articuler une analyse des mécanismes contextuels et transformationnels : en développant des plans méthodologiques capables de saisir la fonction symbolique des représentations sociales, c’est-à-dire dans quelle mesures les représentations sont l’expression d’une certaine manière d’être au monde et à l’Autre (Jovchelovitch, 2007). En conclusion, nous proposons un cadre conceptuel plus abouti pour une psychologie sociétale qui fournit un support pour envisager notre prochain projet de recherche.
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