Les écritures du quotidien sont tendues entre deux pôles. Le premier correspond aux écritures ordinaires, à la consignation des activités courantes, à la relation scripturaire à soi-même ou à autrui, à des formes mineures et souvent féminines. Le second correspond à une tradition philosophique et artistique largement masculine, où le quotidien, érigé en concept, est associé à un projet esthétique et critique de dévoilement du réel. La tension entre ces deux pôles pose la question du « genre des genres » des écritures du quotidien et de l’intérêt qu’il y a à penser la notion en termes de rapports sociaux de sexe. Cet article revient sur la place du quotidien dans les épistémologies et la critique féministes. Il développe les perspectives offertes par les études sur le genre pour l’analyse des écritures du quotidien, et plus particulièrement des littératures dites « de terrain ». Il s’attache à définir et à rassembler, sous le nom de « récits situés », des projets littéraires soucieux d’intégrer une réflexion sur la position de celui ou de celle qui les énonce, et sur les inévitables déformations de perspective que cette position génère.