Literal poetry : form and experience
Poésies littérales : formes et expérience
Résumé
This article aims to challenge a commonplace, that of the « formalism » of late twentieth-century poetry. This label, generally used polemically, is usually applied to a corpus of authors who claim to be literal poets. Focusing on Claude Royet-Journoud, Anne-Marie Albiach, Emmanuel Hocquard and Jean-Marie Gleize, the article seeks to characterize their respective literal practices, showing that they are articulated to an experience of language, of the body and of the world, in opposition to any « formalism ». Claude Royet-Journoud’s refusal of representation leads the reader to an experience of language that can be compared to material experience in artistic minimalism. Anne-Marie Albiach’s materialism of the letter reveals the fictional power of language and the force of its emotions. Emmanuel Hocquard’s renewal of literality leads him, through his practice of connecting discontinuous statements taken from previous discursive material, to produce a writing of a singular, though impersonal, experience of the world. Last but not least, Jean-Marie Gleize’s formal search for a figureless and documentary prose gives a central place to the profusion of the sensible world in his attempts to objectify reality.
Cet article entend remettre en question un lieu commun, celui du « formalisme » de la poésie du second vingtième siècle. Cette étiquette, utilisée de façon généralement polémique, est en général appliquée à un corpus d’auteurs se réclamant de la littéralité en poésie. Centré sur Claude Royet-Journoud, Anne-Marie Albiach, Emmanuel Hocquard et Jean-Marie Gleize, l’article cherche à caractériser leurs pratiques littérales respectives et montre que celles-ci s’articulent à chaque fois à une expérience – de la langue, du corps et du monde, à rebours de tout « formalisme ». Le refus de la représentation chez Claude Royet-Journoud conduit le lecteur à une expérience de la langue que l’on peut rapprocher de l’expérience du matériau dans le minimalisme artistique. Le matérialisme de la lettre chez Anne-Marie Albiach est une mise en scène de la puissance fictionnelle du langage et de la force de ses affects. Le renouvellement de la littéralité par Emmanuel Hocquard le conduit, par sa pratique de la connexion d’énoncés discontinus, prélevés dans un matériau discursif antérieur, à rendre possible l’écriture d’une expérience singulière du monde, qui reste impersonnelle. Les recherches formelles de Jean-Marie Gleize, enfin, du côté d’une prose sans figure autant que d’une accumulation documentale, donnent une place centrale à la profusion du monde sensible dans ses tentatives d’objectivation du réel.