Le recueil des Versos sencillos (1891) de José Martí fait partie du patrimoine littéraire cubain et latino-américain, écrit (parmi les plus lus et réédités) et oral (récités ou chantés, dans les écoles, les fêtes, les festivals). C’est l’un des seuls recueils publiés du vivant du poète avec le Ismaelillo (1882), avant que le poète ne décide de se consacrer entièrement à la lutte indépendantiste. Il fait office, selon les spécialistes, d’œuvre testamentaire, outre le Diario de campaña rédigé sur le terrain juste avant sa mort. Plusieurs de ces poèmes de tonalité épique à forte valeur didactique (morale), notamment les VII et XXX (sur l’esclavage), illustrent le rapprochement constant entre un message patriotique et éthique et un lecteur universel, ou parfois un récepteur clairement visé, le peuple cubain à qui Martí dédie ces « flores silvestres ». Rappelons la dernière phrase du prologue du recueil, écrit par Martí à New York durant l’automne de l’année 1891 : « Y porque amo la sencillez, y creo en la necesidad de poner el sentimiento en formas llanas y sinceras. » Afin de mettre en valeur cette orientation éthique doublée du souci d’émotion esthétique, nous nous intéresserons au célèbre poème dédié au peuple d’Aragon , dans la pure tradition de la poésie épique qui salue le combat pour la liberté, tant celui des Cubains indépendantistes que des héros du début du XIXe siècle salués par le Martí journaliste et chroniqueur, dans la presse américaniste à la même époque (Madre América, Nuestra América).