Comment déifier musicalement la femme ?
Résumé
Il paraît fréquemment aisé de déterminer le sens d’une chanson par l’intermédiaire de ses paroles et, le cas échéant, de son clip. God is a woman d’Ariana Grande, extraite de l’album Sweetener (2017), n’y fait nullement exception, qui présente la femme en déité dont la toute-puissance lui est acquise de manière ouvertement sexuelle. Mais, au-delà même des limites d’une telle herméneutique, mises en évidence notamment par Simon Frith (2018 [1987]), nous sommes conduit à nous interroger : est-il possible d’atteindre à ces mêmes conclusions par l’étude non du littéraire ou du visuel, mais bien du sonore et du musical ?
Dans la perspective d’une musicologie générale, la présente communication, se situant au sein de l’axe 2 (« De l’écoute à la réception »), entend proposer une réflexion sur les apports de l’analyse musicale à la question du sens en musique, ou plutôt : des potentialités de sens, en ce que, considérant le sens effectif d’une œuvre donnée comme résultant de l’interaction entre cette dernière et un auditeur individuel à l’histoire résolument singulière, nous préférons nous focaliser sur les significations et affects que celui ou celle-ci est susceptible de faire émerger à l’écoute d’une chanson.
Récusant toute tendance au monisme disciplinaire et méthodologique – dans la lignée tant de Jean Molino (2009) et Jean-Jacques Nattiez (1975, 1987) que de Leonard B. Meyer (2011 [1956], 1973, 1989), nous voyons en effet en l’analyse musicale, non un substitut, mais, au contraire, un complément, ou plutôt : un préalable, à l’analyse socio-culturelle –, nous souhaitons néanmoins défendre l’idée qu’il est non seulement possible mais, plus encore, désirable de traiter du sens musical du point de vue de l’œuvre elle-même, prise comme sujet, en ce qu’elle recèle d’immanence.
À l’interface d’une multitude d’approches intégrées sous l’égide d’un cadre sémiologique élargi par la prise en compte d’universaux biopsychologiques tels que définis par Meyer (1998), nous présenterons un ensemble d’analyses des dimensions tant compositionnelles qu’interprétatives et technologiques, dont la conjonction constitue la chanson étudiée, mettant ainsi en évidence des procédés rhétoriques de diverses natures par lesquels God is a woman et Ariana Grande sont à même d’être perçus comme éloquents, nous amenant ainsi à croire et penser que « Dieu est une femme ».