[ CR de lecture ] - Claire-Lise Gaillard, Pas sérieux s’abstenir. Histoire du marché de la rencontre. XIXe-xxe siècles Paris, CNRS éditions, 2024.
Résumé
The book by Claire-Lise Gaillard, a researcher at INED, is the result of a history thesis first supervised by the late Dominique Kalifa and then by Claire Lemercier. It is divided thematically, which is very fortunate, allowing a comparison between the early nineteenthcentury, when the dating market was invented, and the mid-twentieth century, when it was reinvented. The chronology is from the point of view of the person seeking to marry. How do you go about it if you're planning to marry? Should you go through your family, your network, matchmakers, agencies or classified ads (Chapters 1 to 3 - ‘Construction and intermediation of the dating market’)? What then is the ‘intermediation process’ (Chapter 4 - ‘Internal workings of the market’)? How do people write to each other, meet and marry, and why and how do they fail (Chapter 5 - ‘Negotiations in correspondence’)? It's clear from this breakdown that most of this meticulous, extremely well-documented research focuses on intermediaries, as the sources provide relatively little access to how people meet - which is why Claire-Lise Gaillard chose to conduct around ten interviews with the descendants of people who had met through classified ads. Her main interest lies in her detailed analysis, based on social science, archives seized by the judicial police and precise statistics compiled from 4,000 advertisements placed in newspapers during the Third Republic, of the changing representations of marriage, the intertwining of economic necessities and the ideal of love, and of course gender inequalities. Throughout the period, ‘[...] the rules of the matrimonial game are not fixed: they are recomposed as the marriage of love asserts itself as the ideal conjugal horizon. Advertisements reveal the place individuals give to this ideal and how they deal with the resistance of family frameworks and the rules of endogamy’ (p. 21).
Matrimonial intermediation emerged as a market at the end of theeighteenth century in England and the beginning of the nineteenthcentury in France, in step with industrialisation, the emergence of liberalism and the development of the press. As urbanisation grew and the bourgeoisie accentuated the differences between the public and private spheres, the street lost its role as a socialising place, and the anonymity of cities made it harder to meet people. The marriage agency, a ‘crack in the bourgeois entre-soi’, saw itself as ‘a palliative to the community ties that are too diffuse in urban society’ (p. 141).
Le livre de Claire-Lise Gaillard, chargée de recherche à l’INED, est issu d’une thèse d’histoire d’abord dirigée par le regretté Dominique Kalifa puis par Claire Lemercier. Il suit une division par thèmes, ce qui est tout à fait heureux, permettant une comparaison entre les débuts du XIXe siècle, qui voit s’inventer ce marché de la rencontre, et le milieu du XXe siècle qui le voit se réinventer. La chronologie est celle du point de vue de la personne qui cherche à se marier. Comment procéder si l’on a un projet de mariage ? Faut-il passer par sa famille, son réseau, des marieuses ou marieurs, des agences ou des petites annonces (chapitres 1 à 3 – « construction et intermédiation du marché de la rencontre ») ? Quel est alors le « processus de l’intermédiation » (chapitre 4 – « fonctionnement interne du marché ») ? Comment s’écrit-on, se rencontre-t-on, se marie-t-on et enfin, pourquoi et comment cela échoue-t-il (chapitre 5 – « négociations dans les correspondances ») ? On voit à ce découpage que l’essentiel de cette recherche minutieuse, extrêmement bien documentée, porte sur les intermédiaires, les sources permettant assez peu d’accéder aux modalités de la rencontre – ce pour quoi Claire-Lise Gaillard a choisi de mener une dizaine d’entretiens avec les descendant.es de personnes qui s’étaient rencontrées par petite annonce. Son intérêt réside principalement dans l’analyse fine, nourrie de sciences sociales, des archives saisies par la police judiciaire et d’une statistique précise constituée à partir des 4000 annonces passées dans les journaux de la IIIe République, de l’évolution des représentations du mariage, de l’intrication entre nécessités économiques et idéal amoureux, et bien sûr des inégalités de genre. Tout au long de la période, « […] les règles du jeu matrimonial ne sont pas fixes : elles se recomposent à mesure que le mariage d’amour s’impose comme horizon conjugal idéal. Les annonces disent quelle place les individus accordent à cet idéal et comment ils composent avec la résistance des cadres familiaux et les règles de l’endogamie » (p. 21).
L’intermédiation matrimoniale se constitue en marché à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre, au début du XIXe siècle France : elle suit en cela l’industrialisation, l’émergence du libéralisme et l’évolution de la presse. Alors que l’urbanisation va croissant, que la bourgeoisie accentue les différences entre sphère publique et privée, la rue perd son rôle de socialisation et l’anonymat des villes rend plus difficiles les rencontres. « Faille de l’entre-soi bourgeois », l’agence matrimoniale se veut « un palliatif aux liens communautaires trop diffus dans la société urbaine » (p. 141).